C’est je crois un sujet que je me dois d’aborder car beaucoup de parents y sont confrontés et cela met en lumière de manière très claire le degré d’insécurité dans lequel nos enfants grandissent depuis quelques temps.
L’angoisse est présente en trame de fond chez tout enfant car les processus de séparation, d’individuation, de maturation sont chez lui très agissants et l’obligent à s’ouvrir au monde, à la réalité extérieure, pour plus tard y prendre place de manière autonome.
Or, si le monde extérieur est perçu comme étant chaotique alors comment l’enfant peut-il le découvrir et s’y aventurer spontanément ?
Il va l’intérioriser, l’assimiler comme étant dangereux, potentiellement destructeur, avec une angoisse de mort imminente qui bloque l’innocence de tout enfant dans son rapport à la réalité extérieure.
Et c’est justement cette innocence et un sentiment de sécurité intérieur stable qui permettent à l’enfant de s’y oser.
Lorsque l’enfant pose des questions sur l’avenir, sur ce qu’il voit comme la possible destruction imminente du monde, il faut préalablement s’assurer qu’il questionne les deux parents sur ce sujet. S’il questionne un seul des deux parents alors il sera intéressant de jauger le degré d’angoisse de l’autre parent. L’insécurité de l’enfant peut être le reflet de l’insécurité du parent non questionné. Vous voyez ?
Ce monde en pleine transition est anxiogène pour tout à chacun
Nous sommes confrontés depuis quelques années à des angoisses de mort, de perte, de morcellement dans une réalité commune qui se veut être assez difficile à cerner. L’inversion, la confusion, la perte de repères ou leur changement impliquent un remaniement psychique pour nous tous. Certaines fragilités peuvent apparaître, réapparaître ou encore s’exacerber, voire même décompenser chez certains.
Ce que nous vivons, quoi que nous en pensions, échappe à notre contrôle tout comme notre histoire, qu’elle soit collective ou individuelle, nous a toujours plus ou moins échappée. On se persuade du contraire en se récitant de belles paroles ; on peut par exemple croire que ce sont les hommes qui font l’histoire ; on se persuade de tellement de choses pour se déconnecter du principe qui transcende, qui donne sens, à l’expérience du vivant.
Mais c’est un autre sujet. Aujourd’hui je voudrais parler aux parents qui se confrontent aux angoisses de leurs enfants sans savoir quoi leur dire. Et ce n’est pas simple de savoir quoi leur dire. Cela passe par le fait d’être soi-même en phase avec la vie, que ce soit dans l’harmonie ou l’insécurité extérieure la plus totale. Accepter la donne consiste à lâcher prise sur le besoin que l’on a de contrôler notre devenir. C’est accepter le fait que des forces bien plus puissantes que notre force d’ancrage dans la matière soient à l’œuvre tout autour.
Peut-être faudra-t-il mourir, effectivement. Peut-être pas, dans le fond là n’est pas le sujet.
Le sujet c’est que présentement, au moment où vous amenez votre enfant à l’école, tout va bien. Demandez lui s’il voit un danger autour de lui, de bien observer la vie au dehors ; qu’il constate à quel point elle est belle et tranquille à ce moment précis. Concentrez son attention sur ce point.
Peut-être faut-il aussi, s’il est particulièrement inquiet et selon son âge, lui dire que l’histoire de l’homme a connu beaucoup d’instabilité mais que la vie a toujours été plus forte ; qu’elle est de toute façon beaucoup plus forte. L’histoire de l’homme se poursuit alors que beaucoup, au cours de ce long parcours, ont cru de tous temps que la fin du monde était arrivée.
Montrer à l’enfant ce que nous faisons de beau, d’harmonieux, de magique ; l’ancrer dans cette dimension pour qu’il puisse passer l’orage dans un monde qui est aussi, dans le même temps que ce passage étroit, merveilleux.
Leur lire des contes
Surtout les contes anciens, riches en symboles ; c’est l’occasion de leur montrer qu’il y a des forces en duel mais que cela est nécessaire pour que l’homme évolue ; tout comme il est nécessaire parfois que deux enfants se disputent dans la cour de récréation et que ce n’est pas pour autant la fin du monde.
Leur expliquer que refuser de le vivre et bien c’est comme arrêter son évolution, c’est comme renoncer à grandir.
– Accepterais-tu de ne plus grandir ? De rester toute ta vie un enfant ? De ne pas devenir un adulte pour éviter qu’il y ait parfois des conflits, des problèmes ou des désaccords ? Il arrive que les gens soient en désaccord, parfois ce sont les pays, les nations et cela a toujours été ainsi.
Encore une fois cela dépend de l’âge. S’il est petit utiliser les contes et les questions adaptées est recommandé. S’il est plus grand, aborder l’histoire de l’homme peut être intéressant.
Si son regard reste fixé sur l’avenir alors vous pouvez lui dire que vous ne voyez pas de danger dans le présent et que demain le soleil se lèvera encore.
– Le soleil ne s’est pas levé ce matin ? C’est une question simple mais qui fait son effet. Lui dire que rien ne pourra jamais empêcher le soleil de briller et qu’il n’y a donc pas de destruction à venir du monde l’est tout autant.
Des phrases simples mais qui emploient des mots forts
L’enfant est très réceptif aux symboles même si son degré d’élaboration, en lien avec son âge, implique que l’on utilise autant que faire se peut des formules simples.
Mais le soleil symbolise aussi, on le retrouve clairement dans l’interprétation des dessins des enfants, le père. S’il est bien une instance qui se doit d’être rassurante au dehors c’est le père. Si votre enfant vous manifeste une angoisse alors vous pouvez lui rappeler que vous n’êtes pas inquiet et que s’il y avait un danger vous sauriez prendre les bonnes décisions pour protéger votre famille. C’est important et cela implique que vous soyez réellement apaisé car on ne peut mentir à un enfant sur ce point. Ses antennes captent les angoisses et cette contradiction qu’il va vivre peut exacerber encore davantage son malaise.
Ne pas hésiter, à ce titre, à vous faire accompagner si vous en ressentez le besoin.
Vous pouvez demander à votre enfant, s’il présente des signes d’anxiété, de dessiner sa maison, pour voir ne serait-ce que l’ambiance. Est-elle lumineuse ou sombre ? S’il dessine ses parents il est assez facile de déceler lequel est chargé d’angoisses. Auquel cas vous pouvez faire appel à un psychologue ou à un pédopsychiatre pour demander son avis. Cet outil est très efficace car il peut refléter de manière assez précise son monde intérieur et sa relation au monde extérieur.
S’il a un animal de compagnie, autre exemple, lui demander si l’animal en question paraît inquiet. S’il répond qu’il ne peut pas voir le danger, ne pas hésiter à lui rappeler que le flair d’un animal sent tous les dangers au loin. Au loin c’est comme dire demain, pour un enfant.
S’il est tout petit, son doudou peut aussi servir de support.
Mais surtout, et cela est très important pour préserver le bien être de votre enfant, éviter les médias ; les conversations entre adultes sur le chaos actuel quand certaines oreilles peuvent entendre sont aussi à proscrire. Car l’enfant, quand il est insécurisé, a cette fâcheuse tendance à vouloir savoir. Il peut, entre autres exemples, se mettre à écouter aux portes car il voit l’angoisse sur le visage de ses parents et veut savoir s’il est en danger et pourquoi il est en danger. Or, les enfants n’ont pas le matériel psychique requis pour composer avec ces données, elles sont hautement toxiques pour son processus de maturation.
Liste des signes pouvant indiquer un trouble anxieux chez votre enfant
- Des difficultés pour dormir
- Des changements d’humeur, de l’irritabilité, de l’agressivité
- Des malaises, maux de ventre, de tête
- Des questions récurrentes ou une tendance à rester trop souvent près de vous
- Des difficultés pour se concentrer, que ce soit à l’école ou au moment des devoirs à la maison
- Une tendance grandissante à éviter les expériences de la vie, la nouveauté ; un repli sur lui-même
Encore une fois il s’agit surtout, en tant que parent, d’être soi-même apaisé dans cette singulière ambiance de fond d’un monde en transition. Il faut assurément lâcher l’ancien pour que notre perception du réel redevienne à nouveau fluide et cela peut prendre du temps. On peut par exemple, et pour certains, utiliser l’humour pour se connecter à d’autres angles de vue ; la musique, la danse, le jeu, alléger l’ambiance, s’alléger soi-même.
Car la vie, quels que soient les obstacles, se fraie toujours un chemin.
A bientôt pour une nouvelle excursion !
Quelques sources :
Augmentation de la prévalence des troubles anxieux chez les enfants et leur traitement (TA@l’école)
Etude Enabee, premiers résultats sur le bien être et la santé mentale des enfants de 6 à 11 ans en France (Santé Publique France)