Je m’évertue à faire reculer l’ombre car nous sommes tous immergés de manière plus ou moins conscientisée dans la réalité. Tous nous souffrons, tous nous cherchons des refuges.

Je peux sentir la force du pouvoir, celui qui parvient à nous faire vivre une lente agonie dans des conditions confortables, certes, mais qui échoue toujours dans sa capacité à nous épargner de la mort. Est-ce pour autant moins douloureux ?

Je suis le pauvre qui ne peut ressentir qu’un sentiment d’injustice lorsque, lui, se retrouve sur des terres dévastées par les appétences des puissants.

Je suis celle qui jettera un regard désolé sur le monde d’en bas si par mégarde je gravissais des sommets illusoires.

Mais je suis aussi celle qui préfère rester sur les terres dévastées.

Je crois bien plus à l’unité d’une fraternité qu’à l’individualisme d’une pseudo solidarité. La fraternité nous relie en tant que frères, la solidarité nous relie en tant qu’individus.

Dehors je vois peu de solidarité et encore moins de fraternité. Des fratries il y en a, et mieux vaut voir ce que ce sont devenues certaines d’entre elles aujourd’hui.

Je suis celle qui a connu la jeunesse et qui maintenant se voit inéluctablement faner au fil du temps. J’appréhende, comme chacun d’entre nous, ce processus. Je cherche à le ralentir, voire à l’annihiler.

Mais je suis aussi celle qui n’a pas su croire aux grandes promesses des technologies actuelles et qui, à force de cheminement, a saisi le sens profond du mot faner.

Je suis celle qui, tout comme vous, doit prendre parti et défendre ses positions.

Mais je suis aussi celle qui préfère observer de loin tout en faisant partie du tout.

J’envie ceux qui ont un toît bien à eux dans lequel ils peuvent créer l’ambiance idéale jusqu’à s’envisager d’y mourir.

Mais je suis aussi celle qui voit en ce toît un caveau, qui a vu depuis l’enfance combien la matière, le fait de posséder, pouvait finalement nous posséder.

Je suis celle qui, chargée d’une mémoire collective ancrée au plus profond de moi-même, se relierait volontiers aux principes du nationalisme pour me défendre d’une mémoire de l’envahisseur. Nombreux sont les textes qui montrent à quel point cette mémoire est chargée d’horreurs et d’atrocités en tout genre. Elle habite chacun d’entre nous.

Mais je suis aussi celle qui se sent reliée à un niveau qui se situe au centre. On appelle cet état la communion, là où la peur n’existe pas. Un mot qui parfois paraît presque désuet quand il raisonne en moi et pourtant.

Tous nous souffrons, tous nous cherchons une lumière au loin. Tous nous composons avec l’implacabilité de la vie. Car peu importe les aides que l’on reçoit, les indices ou encore les outils dont on dispose, il nous faut du temps et beaucoup d’errance avant de voir avec clarté que nous sommes chacun sur un chemin de non-retour.

J’aime à dire que j’ai un pied dans un monde d’injustice et l’autre pied dans un monde de cohérence. Je suis tout autant humaine que reliée à un principe pourrait-on dire, une dimension peut être, qui me permet de changer de perception pour voir d’autres angles de vue.

Je parviens, même s’il est des passages étroits dans la vie, à trouver la posture pour les franchir sans trop de crispations. Bien que parfois ce soit encore assez tendu.

Mais trêve de bavardages, je veux juste vous dire, en guise de présentation, qu’à peu de détails près nous en sommes finalement tous au même point. J’aurai l’occasion d’aborder plus en profondeur ces sujets dans des articles. Il y a tant à explorer …