Je n’ai que 47 ans dans une vie humaine moderne.
Mais j’ai déjà 47 ans dans le corps d’une femme.
Souvent, je flirte avec l’insouciance.
Mais parfois, je me souviens de ce que j’oublie au fil du temps :
le visage éphémère d’une fleur à peine éclose.

J’avais quarante-cinq ans,
quand je l’ai surpris à regarder les plus jeunes.
Ce n’était pas le premier homme de ma vie.
Il manquait la densité des âges
dans le fil ténu qui nous reliait.

Quarante-cinq ans.
Lorsque la fleur a déjà franchi le zénith de sa beauté.
Lorsque la femme se rapproche de la fin d’un cycle.
Quand l’ordre naturel du vivant
vient la questionner sur sa nature.

La perte de la fertilité signifie-t-elle la perte du féminin ?
Est-il question de perte, ou de transmutation ?
Ma fertilité se réduit-elle à la gestation d’un enfant ?
Je ne crois pas qu’il y ait une seule source.
Vous non plus.

Car, pour pousser la confidence,
je n’ai jamais autant accouché qu’aujourd’hui.

Au lieu d’aller progressivement vers cette question
j’ai perdu l’équilibre,
en me retrouvant brutalement à ce carrefour.
En me sentant prise au piège d’un regard conditionné,
celui de beaucoup d’hommes,
quand ils ne perçoivent qu’une seule source.
Celui de beaucoup d’hommes,
quand ils n’ont jamais questionné leur lignée,
ni remis en cause
la légitimité de leurs instincts.

À la question :
« Peut-on me dire que ce temple que j’habite est devenu poussière ? »
Je répondrai :
Il n’a jamais été aussi plein
de la source du vivant.

C’est ainsi que je réinvestis les lieux.
En tant que souveraine.
Non plus pour être digne dans le regard d’un homme,
mais pour faire honneur, à chaque instant,
à la source de ma créativité :

Celle d’où jaillit le féminin.

Categories: Passages

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