Je n’ai jamais voté.
Au début, ce n’était pas par mépris,
plutôt pour affirmer quelque chose,
pour me distinguer.
Pour dire que je ne reconnaissais pas cette loi-là,
et que je vivais selon la mienne.
Mais c’était aussi un refus.
Et, plus profondément, une peur.
Je ne suis jamais entrée dans une salle de vote.
Je n’ai jamais vu un isoloir de mes yeux.
Et pourtant, j’en ai une image très nette.
Je vois un petit espace clos,
caché des regards,
et au fond, une boîte noire, privée de lumière.
Je me demande ce que devient une telle opacité.
Pourquoi faut-il que ma voix soit donnée dans l’ombre ?
Quand j’explore l’ombre de l’homme,
je vois des mains déshumanisées,
des intentions cachées,
la manipulation de ce qui ne devrait jamais être saisi.
J’ai peur aussi,
parce que je n’ai jamais croisé l’âme d’un roi
dans ces élections.
Je n’ai vu que des candidats.
Des figures anciennes, souvent usées,
qui n’ont jamais interrogé leur rapport au pouvoir.
Nous sommes capables aujourd’hui
d’analyser avec finesse le fonctionnement humain,
individuel comme collectif.
Mais face à un candidat,
c’est comme dans une boîte noire,
on ne voit pas clair.
On ne sait pas qui parle vraiment.
Et jamais on n’impose notre souveraineté
pour l’obliger à se montrer en pleine lumière.
Peur aussi d’entrer dans un énième conflit,
alors que ma vision ne veut pas être pour ou contre.
Mais surtout, je suis restée dubitative quand,
face à mon refus,
vous avez sorti la carte de la mémoire de nos ancêtres.
Dubitative,
car je n’ai jamais senti dans leur combat
de victoire franche sur l’oppression.
À peine un pourparlers,
le droit de vote.
Sommes-nous complices de cette duperie ?
Ce candidat est-il finalement le reflet de notre duplicité ?
Est-il souverain du pouvoir d’un peuple,
ou d’un pouvoir tout personnel ?
Quiconque les aura observés sans les écouter
verra.
Quiconque saura entendre leurs échos
verra que l’Homme,
par le droit de vote,
a remis l’orientation du monde
aux mains de ce qu’il a de plus déshumanisé.
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